LES MACHINES A VAPEUR : UN SUJET BRULANT.

LES MACHINES A VAPEUR : UN SUJET BRULANT.

par Clive LAMMING


 

C’est un vieux jouet, puisque les premiers modèles apparaissent dès le début du XIXème siècle, en pleine révolution industrielle : la vieille Europe, en effet, est en train de se transformer complètement et si l’Angleterre a donné cette impulsion novatrice et compte plus de 500 machines à vapeur en service dans ses usines au moment ou la France napoléonienne est encore en pleine époque agricole du type 18ème siècle, peu de temps après, l’Europe continentale sera gagnée par l’industrialisation et la machine à vapeur sera, avec les chemins de fer, l’outil le plus performant de ce changement. Collectionner aujourd’hui ces machines-jouet c’est retracer une des aventures industrielles les plus passionnantes. Bien des enfants des décennies de jadis ont rêvé de ces machines très spectaculaires qui, tout en éduquant certes, brûlaient aussi les doigts et mettaient même le feu au tapis...

 Le premier jouet scientifique.

La machine à vapeur est bien, en effet, l’ancêtre de ce que l’on appellera plus tard les « jouets scientfiques ». En effet, avec elle, on est sérieux. On ne joue pas, on apprend....

Effectivement les nombreux prospectus du début de notre siècle insistent sur ce point: un moteur électrique n’apprend rien et reste mystérieux, alors que la machine à vapeur est pédagogique du brûleur jusqu’à la cheminée, du cylindre jusqu’au volant moteur. L’enfant, en la regardant, a affaire à une machine thermique avec transformation de la chaleur en énergie. Il pourra même apprendre, en lisant le manuel d’accompagnement de son jouet,  qu’une goutte d’eau portée à l’état de vapeur occupe un volume 1 700 fois plus important, d’où une force d’expansion considérable pouvant faire mouvoir les machines-outils d’une usine entière, les pompes des mines, les bateaux ou les locomotives.

Mais aussi l’enfant, d’après les manuels accompagnant les machines à vapeur, comprend ce qu’est la transformation du mouvement alternatif en mouvement circulaire par le système bielle + manivelle. Et il pourra ensuite transformer à nouveau ce mouvement en reliant la poulie du volant à des machines-outils miniatures ou à des constructions en Meccano comme des grues, des manèges, etc...

 La fabrication des machines à vapeur jouet.

Ces jouets sont fabriqués par des firmes spécialisées, car leur production demande le respect de certaines contraintes techniques. S’il est vrai que de grands fabricants comme Märklin ou Fleischmann, en Allemagne, investissent dans l’outillage spécial pour ce faire, d’autres firmes, comme JEP en France, laissent ce marché et ces techniques un peu spéciales à des concurrents comme Chapdeville & Comby.

Il faut, en effet, une grande précision dans la fabrication de la chaudière qui doit être totalement étanche, d’une part, mais surtout, d’autre part, offrir une grande solidité pour supporter une forte pression intérieure sans risque d’explosion. En outre les raccordements des tuyaux de sortie de vapeur doivent offrir les mêmes garanties d’étanchéité et de résistance aux pressions.

Mais on trouve la même précision dans l’usinage des cylindres et des pistons, qui doivent offrir assez de jeu pour un libre mouvement en dépit des dilatations, mais tout en conservant quand même une étanchéité nécessaire au bon rendement de la machine.

La quasi-totalité des machines à vapeur jouet fonctionnent à l’alcool. Ici aussi il faut des normes de sécurité draconiennes: le réservoir du brûleur doit totalement étanche pour ne pas laisser s’écouler de l’alcool qui pourrait, en outre, s’enflammer dangereusement. Mais les embouts des brûleurs, eux, doivent bien enserrer les mèches pour ne pas, non plus, laisser de fuites ou de risques de mise à feu de l’alcool contenu dans le brûleur.

Les chaudières sont coupées dans des tubes de cuivre, et sont obturées, à leurs deux extrémités, par des « joues » formées d’un disque de cuivre soudé. Elles subissent des essais de résistance à l’air comprimé avant montage, ou, parfois, après montage sur la machine même ce qui permet, dans ce dernier cas, de tout tester d’un seul coup, chaudière et moteur. Elles peuvent aussi être brunies selon un procédé analogue à celui des canons des armes.

Les machines de qualité supérieure ont un mécanisme moteur formé de pièces en acier entièrement usinées et nickelées, tandis que l’on peut trouver, sur des machines bon marché, des pièces en « zamac » moulé dont la tenue dans le temps est très médiocre. Les cylindres peuvent, sur les machines bon marché, être coupés dans du tube de cuivre. Les volants sont en métal moulé, fonte d’acier ou zamac.

Les tuyauteries sont en général en laiton ou en cuivre nickelé, et toutes les petites pièces (sifflet, soupapes, niveau d’eau) sont en laiton moulé ou en acier.

 Le fonctionnement des machines à vapeur jouet.

Le principe est très connu: il s’agit de chauffer de l’eau dans une chaudière fermée et d’utiliser la force d’expansion de la vapeur dans un ou plusieurs cylindres. La vapeur est admise dans le cylindre par un orficie d’admission qui est ensuite fermé pendant que la vapeur se détend. Une fois la vapeur détendue dans le cylindre, elle doit sortir librement par un orifice d’échappement.

 

En général les machines jouet sont à un seul cylindre, mais on trouve des machines haut de gamme à deux cylindres. Il est de règle que les cylindres soient à simple effet, c’est-à-dire que la vapeur n’est admise que sur un coté du piston. Les machines à double effet sont des machines dans lesquelles la vapeur travaille alternativement d’un coté puis de l’autre coté du piston, ce qui donne une plus grande douceur de marche. Elles sont un peu plus rares dans le domaine du jouet, mais on trouve des machines à deux cylindres et à double effet chez Märklin, par exemple (réf 415/94/11 du catalogue de 1938).

On distingue aussi les machines à cylindre oscillant, et les machines à cylindre fixe. Les machines à cylindre oscillant, plus simples, sont en général des machines bas de gamme. Le piston est situé sur une bielle rigide formée d’une seule pièce. Quand le volant tourne, la bielle prend une position oblique, ce qui force le piston et le cylindre à s’incliner d’autant. Il est ainsi possible de profiter des positions obliques extrêmes du cylindre pour que celui-ci dégage ou obstrue les orifices d’admission ou d’échappement de la vapeur. Très simple, composé d’un nombre réduit de pièces, ce système n’est toutefois pas très performant parce qu’il n’est pas étanche : la vapeur s’échappe entre le cylindre et la platine comportant les orifices. Il faut donc plaquer le cylindre contre ces orifices avec un ressort, ce qui crée des frottements. ;En outre ce système n’est pas conforme à celui de l’ensemble des vraies machines à vapeur qui ont des cylindres fixes.

Les machines à cylindre fixe sont un peu plus complexes dans la mesure où la bielle doit être articulée sur la tige de piston, et où il faut assurer l’admission et l’échappement de la vapeur par un mécanisme de commande séparé actionné par des contre manivelles ou des excentriques calés sur l’axe du volant.

 

En général les fabricants de machines-jouets n’utilisent pas le système des « tiroirs » (plans ou cylindriques) avec coulisseau et coulisse des machines réelles à double effet, mais se contentent, puisqu’il s’agit de machines à simple effet, d’un simple système de tige poussant et repoussant un petit tiroir élémentaire dégageant et rebouchant alternativement les admissions et échappements (voir notre schéma ci-contre).

 

Les autres accessoires : souvent là pour le charme.

La chaudière comporte des accessoires dont le nombre varie en fonction du prix et de la qualité de la machine. L’accessoire indispensable est l’orifice de remplissage d’eau avec son petit bouchon à vis qui souvent manque quand le collectionneur achète la machine... Les machines bas de gamme y ajouteront une soupape de sécurité (à contre-poids ou à ressort) et un sifflet. Les machines haut de gamme ajouteront des graisseurs à réserve d’huile, un niveau d’eau dont le tube de verre est souvent cassé quand la machine parvient entre les mains du collectionneur, et les plus belles machines ajouteront, en prime, le « nec plus ultra » qu’est le manomètre avec ses fines graduations et son aiguille minuscule.

Un régulateur à boules est un accessoire très intéressant que l’on trouve disposé près du volant et actionné par ce dernier : il réagit à la vitesse de rotation du volant et réduit la vapeur à haute vitesse, ou l’admet en grand à basse vitesse. En fait il dose l’arrivée de la vapeur en fonction de l’effort à fournir, et évite l’emballement de la machine si elle tourne à vide. Le régulateur n’est présent que sur des grosses machines conçues pour entraîner des machines-outils ou d’autres jouets et capables de fournir un effort important.

Des petits outils, souvent perdus par les enfants, accompagnent la machine : burette à huile, clé plate, rondelles de calage, cuvette de vidange, entonnoir miniature, etc... Une notice très pédagogique est de rigueur.

Sans être vraiment des accessoires de la machine proprement dite, il existe souvent des dynamos intégrées à la machine et présentes d’origine sur le socle : ces dynamos alimentent un lampadaire électrique miniature.

En outre on pouvait acheter séparément un grand nombre de machines-outils miniatures pouvant être actionnées par courroie reliée à la poulie de l’axe moteur de la machine à vapeur : perceuses sur colonne, scies circulaires, ventilateurs, meules, etc... La marque de jouets Edobaud a fourni, dans les années 1930, des machines-outils miniatures remarquables.  Comme ces machines-outils étaient construites avec précision et avaient un bâti en fonte moulée, on pouvait les fixer sur une planche et former ainsi une véritable petite usine miniature. Dans ce cas on achetait un ensemble arbre de transfert + poulies qui permettait d’actionner simultanément plusieurs machines-outils avec une seule machine à vapeur, comme c’était le cas dans les usines et les ateliers réels de l’époque.

 

La machine à vapeur jouet et la collection.

Une petite machine à vapeur, bas de gamme, avec cylindre oscillant simple effet et sans manomètre ou niveau sur la chaudière, peut se trouver à moins de 100 euros en état acceptable. Une machine à vapeur haut de gamme signée Märklin, à deux cylindres à double effet, chaudière en cuivre nickelé, manomètre, niveau à tube en verre, soupape à contrepoids, régulateur à boules, etc.... le tout sur un magnifique socle en fonte recouvert d’une imitation de carrelage et entouré de rambardes chromées, voilà qui dépassera facilement un ou deux milliers d’euros. Entre ces deux extrêmes tout est possible selon la présence ou non d’une marque de fabrique cotée (Märklin, Bing haut de gamme, Fleischmann d’avant-guerre, etc), selon la dimension de la pièce (les grandes machines sont plus recherchées), selon son équipement (manomètres, les régulateurs à boules), selon sa décoration (pièces noires rehaussées de filets rouges et or...). Une boîte d’origine, une notice complète et propre, tous les petits outils encore présents, voilà qui fait « craquer » le collectionneur, mais cela donnera-t-il pour autant une valeur élevée à une machine bas de gamme ?